Les entreprises de la nouvelle économie – mais pas seulement elles – rêvent toutes d’être agiles, d’optimiser leur masse salariale en faisant appel à des prestataires extérieurs, à des « freelances », pour des interventions ponctuelles, sans forcément les intégrer dans leurs équipes. C’est ce qui conduit certaines à vouloir créer un nouveau poste, celui de Chief Freelance Officer…
« Avoir recours à des travailleurs indépendants permet au DRH de renforcer ses équipes dans un contexte de guerre des talents, avec des ressources disponibles à la demande » reconnaissait Guillaume Grillat, Tech Community Ambassador de Deezer, lors de Tomorrow Works, un événement organisé par Comet, une structure qui fédère les Freelances. « Ils apportent des connaissances et un savoir-faire qui aide la société à innover : ce sont des agents importants de la transformation de l’entreprise. » analysait Laetitia Vitaud, auteur de Futur of Work, lors de cet événement.
Aux États-Unis, ces « freelance » représentent 34% des la main d’œuvre et plusieurs instituts de prévisions américains prévoient que plus d’un actif sur deux sera un travailleur indépendant dans dix ans. En Europe, leur nombre a augmenté de 45% entre en un peu plus d’une dizaine d’année. Même la France n’échappe pas au phénomène. Les discussions autour du statut du travailleur et la montée constante des emplois en CDD montrent bien l’inadaptation du modèle actuel aux besoins des entreprises. Une prise de conscience qui se conjugue à la montée du désir, pour certaines générations en âge de travailler, de ne plus dépendre d’un employeur unique et de préférer une liberté (dont le prix peut parfois être élevé) à la sécurité de l’emploi. Cela explique qu’en France même, les travailleurs indépendants soient déjà 2,3 millions, sur 28 millions d’actifs et que leur part, dans les jeunes qui arrive sur le marché soit en pleine explosion.
Mais attention. « On ne gère pas un freelance comme un salarié ou comme pourrait le faire un directeur des achats avec des prestataires externes. » prévient ainsi Bertrand Moine, cofondateur de Digital Village. Ni comme avec un salarié ordinaire. Cela suppose au contraire une définition précise des tâches à effectuer et des objectifs, pour que la mesure du résultat ne soit pas contestable. Cela va bien au-delà du recours ponctuel à un prestataire. Uber, la plateforme de transport, emploie des milliers de travailleurs indépendants, de freelances, qui n’ont rien d’un renfort de quelques codeurs pour terminer la mise au point d’un nouveau logiciel. Sa politique de rémunération brouillonne, ses erreurs de management de ses chauffeurs VTC, lui ont aliéné une partie de sa force de travail et ont dégradé son image auprès de sa clientèle, pour le plus grand profit de ses concurrents. Certains industriels ont bien compris l’intérêt de mieux travailler avec ces freelances. Le groupe minier Rio Tinto expérimente par exemple des « Managers de talents externes » pour mieux gérer les équipes d’indépendants (géologues et ingénieurs) qui interviennent au cœur des métiers du groupe.
Ce nouveau métier a déjà un nom : Chief Freelance Officer. A ne pas confondre avec le CFO (Chief Financial Officier) chargé de gérer les finances de l’entreprise. Mais son poste est, lui aussi stratégique, et tient à la fois du DRH et du directeur des achats. Ses missions ? Connaître sur le bout des doigts les statuts de ses partenaires et apprendre à gérer cette force de travail de moins en moins négligeable et à la fidéliser, par une politique de rémunération adaptée : pas forcément plus forte, mais, par exemple, par des versements plus rapides, voire par la mise à disposition d’un lieu de travail adapté. « Ces prochaines années, prévient Bertrand Moine, cofondateur de Digital Village, que les entreprises le veuillent ou non, elles feront face à cette explosion du travail indépendant et devront apprendre à gérer ces freelances, en plus de leurs propres salariés. »
En parallèle du traditionnel DRH qui continuera à s’occuper de la gestion des salariés, pourrait émerger un nouveau poste dans les moyennes ou grosses entreprises : le « Chief Freelance Officer ».
Alors que les chiffres aux États-Unis laissent prévoir plus d’un actif sur deux sous forme de travail indépendant, et qu’en Europe il y a eu une augmentation de 45 % des freelances de 2000 à 2013, la confrontation entre les entreprises et la multitude d’indépendants spécialisés dans un métier est alors inévitable.
Or, on ne gère pas un freelance comme un salarié ou comme pourrait le faire un directeur des achats avec des prestataires externes. Travailler avec un indépendant ne correspond pas aux mêmes logiques que travailler avec un salarié. Il suppose au préalable un brief précis et une définition des objectifs, car la mesure du résultat se fait sur un horizon temps beaucoup plus court que celui du salarié.
À la croisée des chemins entre le DRH et le directeur des achats, le Chief Freelance Officer sera chargé de piloter cette nouvelle force de travail en ayant une expertise affinée des différents métiers. Il connaîtra avec finesse l’ensemble des statuts et leurs impacts juridiques et économiques pour son entreprise.
Ce responsable aura à coeur de créer un vivier de talents dans lesquels l’entreprise pourra piocher en fonction d’un système de notation interne de l’ensemble de ces freelances en croisant les retours d’expérience des équipes qui travaillent en direct avec le travailleur indépendant.
Le Chief Freelance Officer sera donc un grand gestionnaire de ces travailleurs indépendants et aura la tâche difficile de s’assurer de leur fidélité et de la rétention des talents quand ils sont excellents.
Car, comme un bon cuisinier doit garder secrètes ses sources d’approvisionnement en matières premières, le Chief Freelance Officer fera tout pour éviter que la concurrence s’empare de ses meilleurs éléments. Il s’attachera donc à la rapidité du déclenchement de leur rémunération qui ne pourra être celle utilisée pour les prestataires externes. Il fera particulièrement attention à avoir un lieu de travail adapté à la nouvelle vision que peut avoir le freelance sur l’environnement de travail.
Travailleurs indépendants, préparez-vous à faire face à ce nouveau poste !